Mr Desvaux, 400 mm f/D 4.3
Eh bien voici pour moi un premier CROA sur ce forum, et l'une des premières vraies grandes nuits avec le Dobson 400, désormais en pleine possession de tous ses moyens !
Ce serait une belle nuit, qu'il avait dit le Monsieur. Pour sûr que oui, ce serait une belle nuit ! On ferait tout pour cela ! C'est la deuxième nuit consécutive d'observation. Lundi a été une entrée en matière. Quelques objets grappillés à la va-vite. Aujourd'hui, c'est le grand jour. Presque la nouvelle lune, ou en tout cas, pas de lune avant la fin de la nuit. Et il y a un programme d'observation, Monsieur! Les cartes et les fiches sont prêtes, bien à l'abri dans leur plastique. La carriole a été chargée ; le dob en morceaux ; ne pas oublier le miroir, Monsieur! Surtout pas le miroir ! Il a été astiqué, le miroir, Monsieur, tout propre, tout brillant, si si, Monsieur, cela va claquer, vous allez voir!
En route pour la montagne, une vraie montagne à 600 m, au seuil du Morvan, Uchon, un Carnaval de rochers et la lande d'herbes sèches, là où des fous viennent jouer de la cornemuse au coucher de lune. La carriole peine dans la côte, si si, cela monte ici ! Une vraie route de montagne, au milieu des chênes et des sapins. On passe la Pierre qui Croule, on arrive au Carnaval. Dernières lueurs après le couchant. Beau ciel impeccable, limpide, immobile. On transporte le tout sur la lande, pas de vent aujourd'hui, pas la peine de s'abriter. Le miroir dans sa boite est quand même lourd…Ouch, 23 kg, du solide au moins ! Incassable ! Une belle galette de 8 cm d'épaisseur, elle a tenu le voyage à Venise pour se faire belle, un vrai miroir de Venise revenu béni de la Via Santa Lucia ! Amoureusement poli par l'ami Franck Grière de Nevers (ah Nevers… « oui ton nom à toi est Nevers, Nevers en France…il ne se passe rien à Nevers »…qu'elle disait, Emmanuelle Rivat…Dire cela d'un ton monocorde, lentement…). Bon, bien positionner l'anneau de la base dans l'herbe, que cela soit bien stable, et puis, voila, on monte les tubes du serrurier, le plus difficile, c'est d'ajuster l'anneau de la cage secondaire dans les 8 tubes en même temps…En fait, il ne faut pas le faire en même temps, et on prend vite la main. On serre bien le tout, je ne veux pas de craquements dans les haubans ensuite qui viendraient gâcher mon plaisir…Attention, c'est le moment de grâce: on sort le miroir ! Toujours un frisson, on prend la chose à pleine main, une grande inspiration, muscles tendus et hop, on place tout cela sur les triangles d'alu, bien calés. Ca y est, tout est presque prêt, le miroir peut gentiment prendre tout son temps pour prendre sa température (c'est pas comme cela que l'on dit, non?). Le dob coulisse bien sur le téflon, tout est en équilibre, bien stable, ça roule !
Maintenant, c'est la collimation. On sort le beau laser en alu de Dominique Delepierre, une œuvre d'art d'ailleurs, c'est admirablement poli, précis, la mire est impeccable et il est parfaitement collimaté, cela ne bouge pas d'un poil. Quelques minutes et c'est fait, on vérifie sur la polaire avec le 5mm, c'est parfait, tout est concentrique, c'est un plaisir, plaisir du maniaque qui aime bien les belles choses impeccables…mais cela turbule beaucoup, il va falloir attendre…Je glisse le ventilateur sous le miroir, branche les fils et tourne moulin !
Et on attend, on attend le miroir qui prend son temps, on attend le silence, on attend les étoiles qui prennent leur temps, on attend allongé dans les herbes, au milieu de a sarabande des grillons. Les chouettes commencent leur nuit, il fait chaud encore. Vénus et Jupiter se sont couchées, Véga, Altair, Deneb sont bien brillantes déjà, la voix lactée s'approche. Elle va être belle, aujourd'hui, ça va être une belle nuit, qu'il avait dit le Monsieur…
Bon, on va commencer. Albireo. J'aime bien commencer par Albiréo. C'est comme cela, les habitudes, cela ne se discute pas…Admirables comme chaque fois, l'orange et la bleue avec leurs aigrettes, éblouissantes déjà, malgré la nuit qui n'est pas encore vraiment noire. Et puis la double double de la Lyre. A 50x, on commence à distinguer deux formes de cacahouètes, à 150, ça y est, les deux doubles sont bien résolues, l'une verticale, l'autre horizontale. Etonnant, ce positionnement à angle droit, elles vont rester longtemps comme cela ?
Et hop, on redescend maintenant, vers le Sagittaire, qui ne va pas rester longtemps visible.
Assis par terre, à la zen, pour la Lagune. Le puit à lumière fonctionne à plein. Cela brille de partout, l'amas, bien sûr, mais la nébuleuse aussi. Très contrastée, même sans filtre. Voila bien le maelström sombre qui partage en S la nébuleuse. Il y a de la puissance dans cette bête. La Lagune, c'est le M42 de l'été disait quelqu'un, mais sans la grâce, plutôt la force, le désir brut, la bouche sanguine. Superbe au 35mm, sans et puis avec le filtre OIII. Plus puissante encore au Nagler 12, sans filtre. Très longue observation, cela commence bien, on va prendre son temps.
On bouge un peu, voilà la Trifide. Quelle couleur, alors ? Ben, pas vraiment de couleur…Ou bien, en effet, le trèfle, parce que plus brillant, paraît bleuâtre ou violet plutôt par contraste. On distingue très bien et en direct, les séparations sombres, cela paraît, plus qu'un trèfle, une belle fleur, une pensée, une violette ou je ne sais quelle corolle à la consistance veloutée…C'est évanescent et léger. Très contrasté après la Lagune.
Et puis, on monte vers Oméga, ou plutôt celle que j'appelle le Cygne de Marienbad, ce prodigieux oiseau blanc en suspension comme sur un lac de Bavière, ou bien un bassin de Marienbad, l'été dernier… Et on s'arrête, très longtemps, 50x, 150x, avec filtre, sans filtre…Le centre très sombre vers la tête de l'oiseau, le corps cotonneux, on reprend du champs, la bête flotte immobile…
Et puis, voilà M16 et la Nébuleuse de l'Aigle. Pas facile celle la. On devine des choses, j'essaie le filtre, pas vraiment mieux…Bon, le 400, ce n'est pas encore Hubble, ou peut-être que je ne sais pas vraiment regarder ce qu'il faut…
J'ai oublié M22, j'aime bien M22, un très bel amas globulaire en haut de la théière, bien résolu, superbe. Et puis, M11, admirable. Le plus beau des amas ouvert, mais ce n'est déjà plus vraiment un amas ouvert, trop gros, trop d'étoiles. Toutes bien résolues, rassemblées en petits paquets, 7 ou 8, comme des grains de semoule, prêtes à être partagées, et puis, la belle orange bien brillante. En fait-elle partie, ou est-elle en avant champ ?
Allez, c'est une belle nuit, aujourd'hui Monsieur ! Je vais trouver 6572 ! La Belle Emeraude ! Aujourd'hui, je la veux ! Cela fait assez longtemps que je la cherchais avec le C8 ! Cela avait été un enchantement de la voir au T83 des Côtes de Meuse. Un phare vert bleu dans la nuit…Visualisation sur la carte, identification des jalons, triangulation, c'est plié, efficace. Positionnement au Rigel, balayage de la zone, ça y'est, la voila. En effet, superbe lueur fine et très verte, vert émeraude un peu sombre. Eh bien, je l'ai eue ! Magnifique la aussi au Nagler 12.
On continue vers l'Aigle. Une nébuleuse planétaire sur la carte, ngc6781, sous Altair. Pareil, triangulation sur la carte, visée au viseur Rigel, la voila, une grosse boule bien verte. Mais elle reste assez floue, pas d'étoile centrale. Plus bas, 6778, une autre NP. Grise, ronde un peu allongée et assez étendue. Une étoile centrale ? Peut-être.
Plus bas, je cherche The Little Gem, ngc6818, une NP aussi, et la Galaxie de Barnard, 6822. Même technique, triangulation, visée au Rigel, oculaire 35mm, et rien, rien…Soyons plus précis, on reprend. Cheminement d'étoiles. Manier le dobson est un plaisir. Souplesse du mouvement. Le vrai « butter touch » comme ils disent. C'est suave, c'est même sensuel, en fait. S'enfoncer dans du beurre, la belle image !! Une souplesse extrême. On redécouvre l'observation. On ne se tord plus le dos, on peut s'asseoir pas terre dans l'herbe douce et sèche, ou la chaise astro légère, pliante en bois, on est confortable. C'est le contact du bois, la chaleur du bois. C'est l'astronomie «soft », «écologique ».Il y a une dimension « féminine » là-dedans. Autant une monture équatoriale, c'est technique, il y a du métal, des manettes, des freins, des moteurs, c'est masculin (si si !), ici, le dobson, c'est la douceur, la souplesse d'un doigt qui…bon, je délire ! ah la voila, la nébuleuse, the Little Gem ! Une grosse boule vert bleu lumineuse, sans trop de détails. Mais pas de galaxie de Barnard à l'horizon ! Le ciel n'est pas très bon de ce coté, c'est bas, et il y a le halo de la ville, mais quand même !
Bon, suivante ! Le fantôme de Saturne, ngc7009 ! Ah elle est belle celle la ! Un vrai fantôme en effet ! Verte, un peu floue à 360x, mais on devine bien les extensions de part et d'autre, comme une mauvaise photo d'un Saturne verdâtre…Superbe…
Hélix ensuite, ngc7293 ! Un gros donought gris clair, le centre plus sombre. Le ciel est vraiment mauvais dans cette direction. Mais je l'ai quand même vue !
On remonte vers M15. Bel amas, bien brillant. Je cherche la nébuleuse planétaire qui se cache à l'intérieur. Rien. Le filtre OIII. Rien. 150x ? Rien. 360 ? Rien de rien…Tant pis, il parait que c'est un objet pour observateur aguerri…Je ne suis pas encore assez aguerri, alors…Une prochaine fois, n'est-ce pas, Monsieur ?
Allez, au suivant !!
M27, Dumbell. Le premier objet que j'ai vu le jour de la première lumière de mon beau miroir, début Août. L'étoile centrale !! J'avais vu l'étoile centrale ! Jamais vue avec le C8, ici, bien présente, toute fine, mais bien présente, en contraste avec le léger flou de la nébuleuse, un peu verdâtre, très légèrement, les hanses bien visibles, plus du tout la forme en bilboquet habituelle, mais tout a fait comme sur les photos, presque ronde, ovale.
Et puis, l'Anneau de la Lyre. C'est l'un des tout premiers objets du ciel profond que j'ai découvert avec le C8. Cela avait été un choc, cet anneau de fumée dans le fond du ciel ! Ainsi, on pouvait voir des choses comme cela avec un télescope ! Mais alors, la vie était belle! Ici, c'est du sérieux, je cherche l'étoile centrale. 150x, 360x, rien…le ciel n'est pas assez bon, sûrement…Une illusion de couleur, comme un peu de rose rouge sur le pourtour de l'anneau. Peut-être…
Bon, voilà le Cygne, les Dentelles. Ah, les Dentelles…Bien visibles sans filtre même, et bien sûr admirables avec le filtre OIII. De la fumée d'un cigare qui partirait au loin, les volutes si fines. Evanescence profonde…On reste longtemps, longtemps…longtemps…On passe d'une branche à l'autre, à travers les réseaux de volutes blanchâtres…
Et puis, la Nébuleuse du Croissant, 6888 : A peine vue au C8, ici très visible dans sa totalité avec le OIII, le croissant jalonné par 3 ou 4 étoiles. C'est l'une de mes préférées désormais, discrète et légère, mais belle…
Le miroir n'est peut-être pas encore en température, avec cette épaisseur, cela prend du temps. Cela turbule toujours beaucoup quand on défocalise, mais on a l'impression que les choses deviennent quand même encore plus fines, plus précises, plus « sharp ». Merci, mon beau miroir pour le spectable ! Oui, c'est un beau miroir ! et merci, merci Monsieur Franck Grière pour les heures et les nuits passées à le polir, à le superpolir, à l'hyperpolir même !!!
Bon voilà La Blink Nebula, ngc6826, toujours dans le Cygne. Superbe, magnifique, admirable, je ne sais plus quoi choisir comme adjectif…Une boule bien nette, vert clair, qui supporte bien le grossissement, une belle étoile centrale. Elle ne clignote presque pas, avec ce diamètre.
On va voir M13, le vieux compagnon…Toujours au poste! Cela fourmille dans le Nagler 12, noyau bien résolu, le Y est bien défini sur le fond du noyau de l'amas. Prodigieux feu d'artifice, dont la forme changerait en fonction des déplacements de l'œil. Le Nagler 12 est parfait pour cela. Le hublot sur l'univers fonctionne à plein, on en a plein les mirettes…
Et puis toujours plus loin !!!
Un petit tour vers la Polaire pour vérifier la collimation. Rien n'a bougé ! On continue.
M81 et 82 sont un peu basses. M82 est belle. Lumineuse. On perçoit bien les marbrures sur la galaxie, en vision directe. On sent qu'il se passe des choses, des cataclysmes, des ouragans, des explosions. Totalement différente de la vision avec le C8, ou il fallait deviner les choses.
Voici l'Oeil de Chat, dans le Dragon, ngc6543, une NP encore. Toujours, les cartes triangulation, visée. Ah, admirable ! A 150x, 360x, très verte aussi, nette, étoile centrale, forme allongée, un vrai œil de félin…On devine que c'est compliqué, qu'il y a des formes à l'intérieur de l'ovale, cela bouge, un ovale, puis un cercle ou un ovale perpendiculaire qui apparaît comme en surimpression…
M76, the Little Dumbell, une NP aussi: Presque rectangulaire, pas beaucoup de changements par rapport au c8, je trouve…un peu déçu.
Mais on continue.
On passe vers M31. Ah…la Grande Dame est magnifique, immense ! Je n'aime pas beaucoup M31 d'habitude, pas grand-chose à voir…Et ici, les zones sombres sont parfaitement visibles, présentes, malgré le ciel pas génial dans cette direction, bien nettes, qui donnent tout son relief à la spirale.
NGC881 : Ah quelle est belle, une galaxie sur la tranche, si fine ! La bande sombre est parfaitement visible, tranchée. Mais le ciel n'est pas bon par ici, elle sera encore plus merveilleuse cet hiver !
On passe vers ngc281, une nébuleuse associée à un amas ouvert. Une tache faible, avec deux étoiles brillantes au centre. On passe.
Je cherche la nébuleuse de la Bulle, ngc7635, dans le Cassiopée. Je trouve bien une tache grisâtre à coté de M52 mais rien de plus. Un peu fatigué peut-être.
Il se fait tard…Un peu vers Pégase…ngc7331. Belle galaxie vue de ¾. Les formes des bras spiraux bien visibles. Je cherche le Quintette de Stephan qui doit être à proximité. Rien…Il n'est pas sur l'Atlas, et j'ai beau chercher en spiralant autour de 7331, rien…Je commence à fatiguer. Bon, cela sera aussi pour cet automne ou l'hiver. Par contre, je trouve facilement ngc7217, une jolie petite galaxie spirale vue de face et bien ronde.
Voilà Mars, mais elle est encore trop basse. Cela turbule. Mais on devine quelques détails quand même. Pour plus tard aussi…
Ah, les doigts commencent à être moins précis, j'ai renversé un oculaire sur la tablette. Cela devient dangereux, un oculaire, quelque chose qui tomberait sur le miroir…Je n'arrive plus à rien. Et puis il faut tout démonter et ranger et il y a 20km de route.
Tiens, une chouette tourne autour du dob, et me plonge presque dessus ! Non, pas le miroir !!! Allez, on range ! Voila, contraction musculaire, concentration, visualisation, le miroir est en sécurité ! Tout est dans la carriole, on va essayer de ne pas écraser de lapin sur la route en redescendant.
Ouf, belle promenade et tous ces diamants pleins les mirettes... Eh bien, bonne nuit, les petits !!! Oui, Monsieur, vous l'aviez bien dit, ce serait une bien belle nuit, merci bien Monsieur !